- Le Dôme de Neige des Écrins 4015m en traversée entre le Refuge de Temple Écrins et le Refuge des Écrins (Massif des Écrins)

Publié le 13 juin 2025 à 23:49

Réalisée le 10-12 juin 2025

 

L'immense Massif des Ecrins est un labyrinthe de roches, de glaces, de vallées sinueuses et de torrents tumultueux. Malgré sa position centrale dans les Alpes françaises, son relief abrupt et ses interminables vallées rendent son accès difficile même pour le randonneur aguerri. Nombreux sont ses sommets uniquement atteignables par voie d'alpinisme, les quelques sommets randonnables se situant d'ailleurs plutôt sur la périphérie du Massif des Ecrins. Ce relief unique et vertigineux a conduit à un désenclavement progressif et lent de ce bout des Alpes, désenclavement encore aujourd'hui en cours voire même remis en question face aux risques que ces montagnes font encourir aux activités humaines présentes en vallée et aux effets du réchauffement climatique.

En 1973, ce relatif désenclavement se concrétise par la création du Parc National des Ecrins. Regroupant une grande partie du Massif des Ecrins, à cheval sur les départements des Hautes-Alpes et de l'Isère mais également à cheval entre les Alpes du Sud et celles du Nord, ce parc vise à la protection d'un environnement de moyenne et de haute montagne notamment dans une période où le développement des domaines skiables s'accélère dans les Alpes françaises. Ainsi, ce parc s'inscrit selon les voeux du Président Valéry Giscard d'Estaing dans son discours de Vallouise du 23 août 1977 où il affirme que la montagne doit être ''vivante, active et protégée''.

Difficilement appréhendable depuis les vallées profondes, le Massif des Ecrins fut pendant longtemps à l'écart du reste du territoire national. Son évolution toponymique en est l'exemple phare. Au XIXème siècle, la partie iséroise usée de l'appellation Massif de l'Oisans alors que dans le Briançonnais on s'attelait davantage à le prénommer Massif du Pelvoux, du nom du sommet indiqué comme le plus haut du massif à l'époque, à tort. On a également trouvé d'autres appellations telles que Massif de la Meije, Massif de la Bérarde ou encore Massif du Haut-Dauphiné. Cette dernière dénomination apparue vers les années 1880 fut celle qui reflétait le plus fidèlement la réalité géologique de ce massif même si les autres appellations faisaient de la résistance en fonction des cultures locales. C'est finalement la création du parc en 1973 qui figea le nom du massif et s'imposa face aux autres qualifications qui seront ensuite relayées au statut de régions naturelles comme c'est le cas pour l'Oisans par exemple.

 

Revenons un instant sur cette interrogation quant au véritable point culminant du Massif des Ecrins. Le coeur du massif n'ayant pas encore été sondé, c'est l'imposante masse rocheuse et glaciaire du Mont Pelvoux, visible depuis la Vallée de la Durance qui prend le pas sur le véritable point culminant du massif, la Barre des Ecrins 4102m, alors camouflée par son monumental voisin. En effet, le Mont Pelvoux 3943m n'est en réalité que le cinquième plus haut sommet des Ecrins. Viennent d'abord, la Barre des Ecrins, le Dôme de Neige des Ecrins, la Meije puis l'Ailefroide.

Seuls deux de ces cinq colosses franchissent l'altitude fatidique des 4000m : la Barre des Ecrins 4102m et le Dôme de Neige des Ecrins 4015m. Ces deux sommets, proches l'un de l'autre puisque s'érigeant sur la même masse montagneuse, cumulent à la fois le titre de 4000 le plus méridional et le plus occidental de l'Arc Alpin. En 1860, ils perdent cependant, du fait du rattachement de la Savoie et donc du Mont Blanc, le titre de point culminant de France.

C'est pourquoi, attirés par cette altitude mais également par leur caractère mystérieux puisqu'aucun itinéraire randonnable ne permet véritablement d'appréhender le duo des Ecrins, même pas le Gr54, nous peaufinons une course d'alpinisme sur trois jours pour profiter pleinement de ces 4000 français. La difficulté de la course nous dira pendant l'aventure si c'est la Barre des Ecrins ou le Dôme de Neige qui sera gravi.

On insiste d'ailleurs auprès du guide pour ne pas effectuer un aller-retour par la voie normale de ces deux cimes, c'est-à-dire par le Glacier Blanc. Au-delà du caractère relativement aisé de leur ascension par cette voie, notamment le Dôme de Neige (coté F+), il nous semblait intéressant de voir si une boucle ne pouvait pas être réalisée autour de ces montagnes. Souhait appuyé également sur le fait de ne pas passer deux fois de suite sous la zone des chutes de séracs, seule réelle difficulté, ou plutôt dangerosité, de la voie normale par le Glacier Blanc.

 

Dans un premier temps, une boucle au départ de la Bérarde, quasiment au centre géographique du Massif des Ecrins, est envisagée. Mais l'absence de perspectives de réouverture de la route menant à ce village dévasté par les laves torrentielles et la rupture d'un lac supraglaciaire au niveau du Vallon de Bonnepierre en juin 2024, nous conduit à établir un départ plus au Sud, dans le département des Hautes-Alpes. C'est au niveau du Pré de Madame Carle, au fin fond de la Vallouise, que nous démarrons notre épopée dans le coeur du Massif des Ecrins.

 

Jour 1 : Du Pré de Madame Carle au Refuge de Temple Écrins par la Col de la Temple.

 

Perché à plus de 1800m d'altitude, le Pré de Madame Carle marque le terminus d'une route sinueuse remontant la Vallouise jusqu'à ce replat qui n'a strictement rien d'un pré puisqu'il s'agit d'un vaste ombilic glaciaire où coule un vif torrent entouré d'un mélézin clairsemé. Créée en 1938, la route a permis aux randonneurs puis aux alpinistes de partir plus facilement à la découverte des différentes vallées glaciaires qui terminent leur course sur le Pré de Madame Carle. Alors qu'au XIXème siècle, les Glaciers Noir et Blanc se rejoignaient au niveau du pré, il faut maintenant marcher quelques dizaines de minutes pour apercevoir les premiers pans de glace depuis les sentiers.

Notre tour commence du côté du Glacier Noir et se finira au niveau du Glacier Blanc. Depuis le Pré, on traverse les torrents glaciaires pour remonter la moraine latérale du Glacier Noir jusqu'à environ 2400m. Pour le moment, le sentier est balisé et l'équipement d'alpinisme n'est pas nécessaire pour une progression en toute sécurité. 

 

A défaut d'apercevoir les glaciers à notre point de départ, on est d'ores et déjà dominé par le point culminant du massif : la Barre des Ecrins 4102m et sa face Sud sur la gauche. Au centre, on distingue la Pointe de la Grande Sagne 3660m.

 

 

Passé 2000m, le sentier se sépare en deux. A droite, on part vers le Glacier Blanc alors qu'à gauche on monte sur la moraine surplombant le Glacier Noir. Dès les premiers mètres on commence à deviner le glacier tapis sous sa surface rocheuse. Le Glacier Noir s'intitule ainsi du fait de sa surface recouverte de roches et d'éboulis. Ce résultat n'est pas totalement dû au réchauffement climatique mais notamment à son environnement et à ses mouvements. En effet, le Glacier Noir est encaissé sous d'imposantes parois rocheuses dégueulant leurs débris au fil de l'érosion et des éboulements. Certes cette couche rocheuse cache le glacier en grande partie mais elle a un rôle protecteur puisqu'elle protège les glaces des morsures du soleil. Et au vu de son altitude relativement faible avec un front glaciaire s'établissant aux alentours des 2200m, son rôle n'est pas négligeable pour ce colosse de glace.

 

On grimpe progressivement sur la crête de la moraine du Glacier Noir. Bien que le sentier ne présente aucune difficulté, ce dernier est mis à mal par l'érosion et se retrouve par moment emporté sur la surface du glacier. Entre les quelques moments à négocier le fil du sentier, on contemple les premiers géants qui nous font face, notamment le Pic Coolidge, le Fifre et l'Ailefroide.

 

 

En atteignant un replat, au lieu-dit des Balmes de François Blanc, on stoppe notre progression sur la moraine glaciaire. De là, on toucherait presque du doigt la vertigineuse paroi Sud de la Barre des Ecrins. 

On tente tant bien que mal de rejoindre la surface du Glacier Noir en descendant la moraine et ses roches friables. On débute ainsi une lente et progressive remontée glaciaire sur la totalité du Glacier Noir en direction du Col de la Temple, invisible pour le moment.

Depuis les Balmes de François Blanc (de gauche à droite) : le Mont Pelvoux (Pointe Durand, Pointe Puiseux, Aiguille du Pelvoux), le Pic Sans Nom et le Pic du Coup du Sabre.

 

Sur la photo ci-dessus, on devine particulièrement bien la cassure entre les deux langues glaciaires composant le Glacier Noir. Ces dernières ne sont reliées que par une cascade et quelques dalles rocheuses. Pour aller vers le Col de la Temple, il nous faudra remonter la langue glaciaire présente face à nous. Pour se faire, on accèdera à la partie haute du Glacier Noir via les pentes neigeuses situées dans l'axe du Pic Sans Nom, au centre de la photo.

 

La surface du Glacier Noir n'est pas dangereuse. Légèrement ascendante, elle alterne chaos de blocs et névés. On ne prend même pas la peine de s'équiper. On continue en direction de la cassure.

 

Une fois le ressaut passé, la neige recouvre la quasi intégralité de la surface du Glacier Noir. On s'engouffre dans le vallon où loge le glacier, toujours sur une pente douce mais continue.

 

On est littéralement écrasé par les faces Nord des géants du coin. On passe successivement sous le Pelvoux, le Pic Sans Nom, le Pic du Coup du Sabre puis on termine sous l'Ailefroide orientale puis centrale et son petit Glacier Suspendu.

 

Vers 2700m d'altitude, on devine le fond du vallon glaciaire. Ce dernier est bouché non pas par le Col de la Temple mais par le Col, le Pas et l'Aiguille de Coste Rouge que l'on observe légèrement à droite sur la photo. Le Col de la Temple ne sera visible qu'au dernier moment de l'ascension mais se situe derrière l'arête enneigée de droite.

 

Le vallon menant au Col de la Temple se devine derrière les dalles dégarnies du centre.

 

En tournant la tête, on découvre l'entièreté du vallon du Glacier Noir. Au fond il s'agit de la Montagne des Agneaux et du Pic Tuckett.

 

 

 

On se met à grimper sur les dalles déneigées. Attirés par quelques traces et quelques cairns. Mais au bout de quelques instants, on effectue un demi tour, ce cheminement butant sur un pierrier morainique instable et impraticable. 

En réalité ces cairns indiquent l'emplacement d'un lieu de bivouac mais aucunement le chemin d'accès au col.

Par conséquent, on rebrousse chemin sur quelques mètres pour prendre directement pied sur un couloir encore en grande partie enneigé. De là, débute la radicale ascension du Col de la Temple, entre 2900 et 3300m d'altitude.

Sur environ 150m, les pentes avoisinent les 40°. La neige molle et les parois ruisselantes compliquent l'ascension mais on finit par déboucher sur des pentes neigeuses plus douces qui nous mèneront directement au Col de la Temple.

 

 

 

 

Les derniers mètres en direction du Col de la Temple 3301m sont bien moins fatigants. On passe aux abords d'un ancien bivouac posé sous le col puis on grimpe la dernière pente neigeuse. 

Si on regarde les cartes topographiques d'un peu plus près. On ne franchit pas véritablement le Col de la Temple qui lui est situé quelques dizaines de mètres plus au Sud. On franchit la crête au niveau du point 3321m sur les cartes IGN.

Depuis le ''faux'' Col de la Temple, la vue sur l'Ailefroide est magnifique. On devine une grande partie des cimes qui composent cette montagne emblématique des Ecrins (de gauche à droite) : l'Ailefroide Orientale, la Pointe Fourastier, l'Ailefroide Centrale et l'Ailefroide Occidentale. Cette dernière étant la plus haute puisqu'elle s'établit à 3954m.

 

Dans la continuité de l'Ailefroide Orientale, le Pic du Coup du Sabre, le Pic Sans Nom et le Mont Pelvoux sont toujours de la partie.

 

Sur l'autre versant du Col de la Temple, en plus de basculer de la Vallouise à la Vallée du Vénéon, on quitte les Hautes-Alpes pour passer en territoire isérois. De nombreux sommets du Massif des Ecrins s'érigent face à nous : Pics du Says, Rouies, Olan, Pointe du Vallon des Etages, Cime de Clot Châtel, Cime de l'Encoula, Grande Aiguille de la Bérarde pour finir sur l'Aiguille du Plat de la Selle.

 

900m de dénivelés négatifs nous séparent du Refuge de Temple Ecrins dont nous n'apercevons toujours pas la silhouette sur le flanc de la montagne. Les premières centaines de mètres s'effectuent dans d'immenses pentes enneigées, sous le regard attentif du Pic Coolidge 3775m.

 

Le Col de la Temple est pile au centre de la photo. Pour le descendre, on a contourné les petites barres rocheuses par la rampe qui s'affaisse sur la gauche.

 

Durant la descension, d'autres sommets apparaissent au fond de la Vallée du Vénéon, notamment les Bans 3669m, la Pointe Richardson 3312m et le Mont Gioberney 3352m.

 

Vers 2800m, la neige laisse place à des chaos de pierres où quelques cairns et un discret sentier malmené par l'hiver alpin semblent se faufiler entre les blocs. On reste largement dominé par la large arête dentelée de l'Ailefroide.

 

 

Lors du contournement d'une arête rocheuse qui nous fait passer du Ravin de la Temple au Vallon de la Pilatte, on devine enfin le Refuge de Temple Ecrins et son sentier en lacets bien ordonnés. On retrouve par la même occasion la Barre des Ecrins et le Dôme de Neige accompagnés du Clocher des Ecrins à gauche et du Fifre à droite. Sous les deux 4000, on observe le Glacier du Vallon de la Pilatte. 

Demain il s'agira de remonter le vallon dans sa totalité jusqu'à buter sous la paroi des deux cimes pour y trouver la Brèche Lory permettant de basculer de la face Sud-Ouest à la face Nord-Est du Dôme et de la Barre.

 

 

Vers 19h15 nous mettons pied sur la terrasse du Refuge de Temple Ecrins 2410m. Le refuge n'est toujours pas gardé mais un dortoir et la salle commune restent accessibles aux randonneurs ou aux alpinistes de passage. Après une saison morte en 2024 du fait de la dévastation de la partie aval du Vénéon, le refuge compte bien réouvrir à l'été 2025.

La Pointe du Vallon des Etages 3564m depuis le Refuge de Temple Ecrins.

La nuit risque d'être courte puisqu'un réveil est prévu à 2h45 pour un départ aux alentours des 3h30. Le but ? Profiter du regel nocturne et prendre notre temps pour gravir les 1600m de dénivelés qui séparent le refuge du point haut de la Brèche Lory.

 

Jour 2 : Du Refuge de Temple Ecrins au Refuge des Ecrins en passant par la Brèche Lory et le Dôme de Neige des Ecrins.

 

Bien que les sentiers balisés ne soient plus présents au-delà du Refuge de Temple Ecrins, le recul du Glacier du Vallon de la Pilatte a permis le cheminement d'un sentier cairné jusqu'à plus de 2800m d'altitude. 

 

C'est d'ailleurs en atteignant cette altitude que le jour commence à poindre vers l'Est. On chausse par la même occasion nos crampons puisque la neige remplace progressivement les pierriers. Mais on ne s'encorde pas pour autant puisque le Glacier du Vallon de la Pilatte est encore quelques centaines de mètres en amont de notre position.

La montée est certes plus soutenue que la veille dans sa globalité, mais pour le moment il n'y a rien de radical. On poursuit notre cheminement en créant nos propres lacets sur les pentes enneigées comblant le pied du Pic Coolidge.

 

 

Un à un, les sommets de l'autre côté du Vénéon s'illuminent progressivement. Notamment les Rouies 3589m et leur calotte glaciaire. 

La barre des 3000m d'altitude est maintenant largement franchie alors que l'on s'approche de notre premier intermédiaire : le Col des Avalanches 3499m après avoir contourné le Fifre.

 

 

Au Col des Avalanches 3499m, le lever du soleil est presque complet. L'ombre des sommets nous surplombant se dessine dans la Vallée du Vénéon. On reconnait la silhouette du Pic Coolidge, du Fifre, de la Barre des Ecrins et du Dôme de Neige des Ecrins.

A partir de ce col, on s'encorde pour contourner encore une fois une arête rocheuse et reprendre le fil du Glacier du Vallon de la Pilatte. La Brèche Lory ne devrait alors pas tarder à se dévoiler face à nous.

Le Fifre 3699m et le Pic Coolidge 3775m depuis le Glacier du Vallon de la Pilatte.

 

Après avoir gravi quelques ressauts glaciaires, on découvre les premières pentes menant à la Brèche Lory. Pour le moment on ne devine que les premières dizaines de mètres, ces dernières semblant à première vue bien verticales. Ce n'est qu'une fois sur la pente que l'on découvrira la rampe d'accès de la brèche qui obliquera à gauche.

 

C'est à partir du franchissement de la rimaye que les choses sérieuses commencent. Les pentes atteignent par moment les 45-50° dans un mélange de neige dure, de glace et plus tard de roche. La glace est d'ailleurs bien plus présente qu'escompté ce qui ralentit notre progression dans la brèche. En effet, les crampons s'insèrent moins facilement dans de la glace vive que dans de la neige dure ce qui conduira le guide, non pas à poursuivre au milieu des pentes enneigées mais plutôt à rejoindre les quelques rochers qui jalonnent la pente puis le bas de la paroi. Le fait de s'agripper à la roche facilitera à la fois notre progression mais également l'assurage avec une succession de coinceurs et de becquets.

 

Tout en conservant une pente plus que soutenue, le cheminement de la brèche s'engouffre sur une fine rampe neigeuse bloquée entre deux parois. L'expérience est unique et malgré une ascension lente et fatigante, l'adrénaline et le paysage de haute montagne permettent de mieux apprécier ces 350m séparant le Glacier du Vallon de la Pilatte du point haut de la Brèche Lory. D'ailleurs les photos ne font pas honneur à la réalité de la verticalité de la Brèche Lory.

 

 

A 3974m, on quitte la pénombre de la Brèche Lory pour déboucher sur l'arête séparant le Dôme de la Barre. Il est 10h. Il nous aura fallu pas moins de 6h pour relier le refuge au point haut de la Brèche Lory.

Sur la droite, on devine le premier mur qui compose le démarrage de l'arête sommitale de la Barre des Ecrins. Malgré la proximité du point culminant des Ecrins, notre fatigue et notre raison nous ont conduit à nous contenter du Dôme pour cette première expérience alpine dans ce massif.

Après une pause bien méritée au niveau de la Brèche Lory, on se met donc en route pour gravir les quelques mètres restant vers le second 4000 du Massif des Ecrins.

 

En quelques minutes, nous relions la Brèche Lory au Dôme de Neige des Ecrins 4015m. Une vue atypique sur la Barre des Ecrins 4102m s'offre à nous. Il s'agit de la bosse de gauche, celle du centre correspondant au Pic Lory 4088m, sorte d'antécime présente entre la Brèche éponyme et la Barre des Ecrins et marquant par la même occasion la frontière naturelle entre les Hautes-Alpes et l'Isère. De surcroît, le Pic Lory n'est même pas comptabilisé dans la liste officiel des 82 4000m des Alpes.

 

L'Ailefroide camoufle le Pic Coolidge.

La Vallée du Vénéon et Roche de la Muselle à gauche.

La Meije et le Pic Gaspard. Sous ces derniers, on devine la Grande Ruine.

 

La position centrale du massif comme de la cime où nous nous trouvons alliée à la proéminence de la montagne et à la météo font que le panorama est époustouflant depuis le Dôme de Neige des Ecrins. Mise à part une petite portion au Sud bouchée par la Barre des Ecrins, le paysage s'étale du Mont Blanc aux massifs des Alpes du Sud, des Alpes italiennes aux Préalpes du Vercors, des Baronnies et du Ventoux. 

 

Ailefroide, Bans, Sirac, Gioberney, Vieux Chaillol, Says, Rouies, Olan pour les Ecrins. Au-delà, on devine quelques cimes du Gapençais notamment la Montagne de Céüse ou encore le Pic de Bure sur la droite.

 

Côté Isère on rajoute la Roche de la Muzelle, la Pointe de Malhaubert, le Rochail, le sous-massif du Soreiller puis au-delà on devine la barrière dévoluarde, le Mont Aiguille, la Grande Moucherolle, le Moucherotte, le Taillefer et la chaîne de Belledonne.

 

En décalant un peu plus vers le Nord, on rajoute le Râteau et la Meije sur la droite ainsi que les Grandes-Rousses et les Aiguilles de l'Argentière.

 

A la suite de la Meije, on observe le Pic Gaspard, les Aiguilles de la Saussaz, l'Aiguille du Goléon, les Aiguilles d'Arves, l'Aiguille de l'Epaisseur, le Pic des Trois Evêchés puis on termine par le Col du Galibier. Au premier plan en bas à droite il s'agit de la Roche Faurio 3730m.

 

Alors que l'on est subjugué par l'immense langue du Glacier Blanc, on oublierait presque de jeter un oeil sur les Cerces, la Vanoise, les Alpes Grées, le Massif du Mont-Cenis ou encore le Queyras qui comblent l'arrière-plan.

 

 

 

Contrairement à la montée, la trace est évidente pour la descente. Il suffit de dévaler le Glacier Blanc jusqu'à son plateau glaciaire 700m plus bas. 

La descente est radicale alors même que la largeur de la pente aurait permis un cheminement plus doux et plus progressif. Mais la présence de nombreuses zones de chutes de séracs ont conduit les différentes cordées à opter pour sentier presque rectiligne puis réduire le temps de trajet sous les zones à risque.

 

On franchit donc la rimaye puis on suit fidèlement la trace qui sillonnent les pentes de neige déjà transformée malgré l'altitude.

 

Etonnement, cette face glaciaire ne fut pas le théâtre de la première ascension du Dôme de Neige des Ecrins. C'est bien par l'itinéraire que nous avons emprunté, c'est-à-dire par la Brèche Lory, qu'un 21 juillet 1877 les premiers alpinistes foulèrent le sommet pour la toute première fois. Il faudra attendre 5 ans plus tard, en juillet 1882 pour que les premiers alpinistes atteignent le Dôme de Neige des Ecrins en remontant le Glacier Blanc.

Fait étrange également, la Barre des Ecrins, pourtant bien plus dure techniquement, fut conquise bien plus tôt, en 1864 par la cordée d'Edward Whymper. Peut-être que sa faible proéminence à coté de la Barre des Ecrins a conduit à sa mise de côté durant quelques années.

Le sentier passe sous le sommet de la Barre des Ecrins pour contourner la première zone de séracs que l'on devine à droite. Quasiment au centre, il s'agit du Dôme de Neige des Ecrins.

 

On s'autorise une dernière pause contemplation à ce niveau-là. Pour la suite, il faudra descendre le plus rapidement possible la face Nord-Est de la Barre et du Dôme puisque l'on se situe pile dans l'axe des chutes de séracs. L'inclinaison de la pente et le poids du glacier sont les causes de la dangerosité des lieux.

 

 

Au pied de la Barre et du Dôme, on distingue particulièrement bien les zones à risque. Les séracs du centre et de la droite sont les plus dangereux car directement dans l'axe de l'ascension. On devine d'ailleurs la trace passer entre les deux zones de cassure. Tout à gauche on devine le sommet de Barre Noire. Le couloir sous le sommet, permettant d'accéder à l'arête Sud-Est de la Barre des Ecrins, est presque aujourd'hui considéré comme la voie la plus sûre pour atteindre les deux 4000. Mais pour cela c'est pas moins de 400m de couloir qu'il faut gravir pour atteindre l'arête.

 

 

Une fois sous le Col des Ecrins, vers 3300m, il suffit de suivre la large trace qui traverse le plateau du Glacier Blanc. On devrait atterrir quelques kilomètres plus loin sous le Refuge des Ecrins blotti sur son éperon rocheux.

C'est sous une chaleur accablante qu'il nous faudra une nouvelle fois gravir une centaine de mètres supplémentaire pour pouvoir enfin profiter d'un peu d'ombre, d'une bonne bière rafraichissante et du délicat confort des crocs.

 

La vue depuis le Refuge des Ecrins 3170m est spectaculaire. Il est idéalement placé pour dominer une bonne partie du cirque du Glacier Blanc. En face, on aperçoit la Pointe de la Grande Sagne 3660m suivie de la Pointe Mettrier 3620m, de Barre Blanche 3698m, de Barre Noire 3751m, de la Barre des Ecrins 4102m et enfin du Dôme de Neige des Ecrins 4015m.

 

Les mêmes cimes à une heure un peu plus tardive.

 

De l'autre côté, les sommets sont moins impressionnants mais d'importants monts sont tout de même visibles, notamment le Pic du Glacier d'Arsine, la Montagne des Agneaux et le Pic Tuckett.

 

Avec un lever aussi précoce que ce qu'on a connu ce matin, on ne patientera pas jusqu'au coucher du soleil. D'autant qu'on ne gagnera pas énormément d'heures de sommeil la nuit prochaine puisqu'un réveil à 3h45 est envisagée. L'objectif étant qu'au lieu de directement redescendre sur le Pré de Madame Carle, on se fixe comme objectif final une dernière ascension avant de quitter ce lieu unique. Le guide nous propose l'ascension du Pic du Glacier d'Arsine 3364m (le premier sommet ensoleillé sur la photo ci dessus à gauche).

 

Jour 3 : Du Refuge des Ecrins au Pré de Madame Carle en passant par le Pic du Glacier d'Arsine.

 

 

Dès 3h30 du matin, les premières cordées partent à l'assaut des principaux sommets du coin : Barre des Ecrins, Dôme de Neige des Ecrins et Roche Faurio sont particulièrement prisés pour leur altitude et leur point de vue. Alors que du côté du Pic du Glacier d'Arsine, qui ne semble pas en reste niveau panorama, aucune cordée n'est encore en sa direction. Un peu à l'image de ce périple dans les Ecrins, sauvage !

 

 

Pour entamer l'ascension du Pic du Glacier d'Arsine, il nous faut rejoindre la surface du Glacier Blanc. On suit ainsi le fil du géant de glace jusqu'à atteindre l'altitude de 2950m, juste avant que le glacier n'opère une chute un peu plus prononcée vers la vallée. De là, on part dans les pentes neigeuses présentes entre le Pic du Glacier Blanc et notre objectif.

Ce matin-là, le regel n'est pas total. Il arrive que l'on s'enfonce notamment sur les premières pentes. Fort heureusement, l'inclinaison n'a rien à voir avec les jours précédents. On enchaine quelques ressauts jusqu'à buter sur une soixantaine de mètres à 35°, seule difficulté dans l'ascension du Pic du Glacier d'Arsine.

Quelques minutes avant d'atteindre le sommet, les premiers rayons viennent frapper les plus hautes cimes et les teindre de rose.

 

 

Aux alentours des 6h30, nous mettons pied sur le sommet du Pic du Glacier d'Arsine 3364m. Et malgré une altitude tout à fait modeste par rapport à ses proches voisins, la vue sur les géants des Ecrins et les massifs orientaux est splendide. C'est un lieu parfait pour contempler un lever du soleil, loin des foules d'alpinistes qui plus est.

 

Quelques sommets de renom émergent des brumes matinales (de gauche à droite) : Pics du Combeynot, Grand Galibier, Mont Blanc, Dôme de Péclet-Polset, Pointe des Cerces, Pic et Mont Thabor, Tête de la Cassille, Dent Parrachée, Roche Bernaude ou encore Aiguille de la Scolette.

 

Même le Mont Viso est de la partie près du Dôme de Monêtier.

 

Cette fois-ci la Meije 3983m nous domine, de même que le Pic Gaspard, l'Aiguille du Goléon et les Aiguilles d'Arves. Au centre, au loin, on devine le Nord du Massif de Belledonne.

 

De nombreux grands des Ecrins sont visibles depuis le Pic du Glacier d'Arsine. Du Pelvoux au Pic Gaspard, en passant par le Pic Sans Nom, l'Ailefroide, la Grande Sagne, la Barre des Ecrins, le Dôme de Neige, la Roche Faurio, la Roche Paillon, le Pic de Neige Cordier ou encore la Meije. On est loin de la centaine de plus de 3000 qui compose le Massif des Ecrins mais c'est tout de même pas mal !

Sur le Glacier Blanc, il s'agit de l'ombre de la Montagne des Agneaux ainsi que celle du Pic du Glacier d'Arsine, sommité où nous nous trouvons.

 

En retrouvant le Glacier Blanc vers 2900m d'altitude, on dit définitivement au revoir à la face glaciaire de la Barre des Ecrins et du Dôme de Neige.

 

Chronologie d'un lever de soleil sur les 4000 des Ecrins.

 

 

Vers 2800m, on atteint le front glaciaire dans un dédale de roches polies puis on retrouve rapidement un peu de végétation et un peu de vie à l'instar des nombreuses marmottes qui broutent les herbes fraiches. 

Finalement, durant cette course nous aurons eu la chance de parcourir en intégralité le Glacier Blanc, des pentes où il né jusqu'à son front glaciaire, soit environ 5km au total. Malheureusement cette mesure rapetisse d'année en année. Entre le moment où il se rejoignait avec le Glacier Noir au niveau du Pré de Madame Carle, soit dans les années 1820, et aujourd'hui, le front glaciaire a reculé de près de 2km. Et ce phénomène s'accélère puisqu'entre 2014 et 2019, le Glacier Blanc a reculé de 300m. Ce géant de glace, un des plus méridionaux des Alpes, reste sous étroite surveillance par les services du Parc National.

 

On passe ensuite aux abords du Refuge du Glacier Blanc 2542m sans y faire une halte. Depuis les environs du refuge, ce n'est pas la Barre des Ecrins qui impose sa silhouette dans le paysage mais bien le Mont Pelvoux.

 

 

 

Sous le Refuge du Glacier Blanc, un petit plateau lacustre où zigzague le sentier permet de profiter de magnifiques reflets sur le Pelvoux, le Pic Sans Nom et l'Ailefroide.

Le Glacier Blanc et son refuge (à droite). Les immenses dalles de roches polies à l'avant du front glaciaire témoignent de son inlassable recul.

 

Une fois le Torrent du Glacier Blanc traversé, il ne nous reste plus qu'à chuter de quelques centaines de mètres vers le Pré de Madame Carle et son Refuge Cézanne. Ce dernier marquant la terminaison de notre aventure au Pays des Ecrins.

 

Au coeur des Alpes françaises, le Massif des Ecrins et ses sommets n'ont rien à envier aux autres massifs. Qu'ils soient glaciaires ou plus hauts, non seulement le Massif des Ecrins combine ces deux aspects mais y ajoute un caractère sauvage et préservé que même le premier Parc National français, la Vanoise, ne peut rivaliser. De même, aux foules du Massif du Mont Blanc trimballées de refuge en refuge ou de télécabine en télécabine, une traversée de haute altitude dans les Ecrins procure solitude, émerveillement et défi sportif. Bref l'aventure alpine par excellence. Et il faut en profiter car bien que l'aire de protection soit toujours active, les effets du réchauffement climatique sont particulièrement prégnants dans ce massif qui abrite les glaciers les plus méridionaux de l'Arc Alpin. L'épisode de la Bérarde en est l'exemple concret et marquera à la fois l'histoire du massif mais aussi l'appréhension de la montagne qu'ont les populations et les autorités dans les années à venir. Quid de la reconstruction de ce petit paradis alpin ?

De toute manière, il faudra bien que l'on retourne dans ces montagnes non seulement parce que même en version randonnée la beauté des paysages incite à l'aventure mais surtout parce que la Barre des Ecrins reste invaincue à ce jour !


ITINÉRAIRE DE LA COURSE : 

 

  • Départ/Arrivée : Pré de Madame Carle - km 0
  1. Bifurcation Glacier Blanc / Glacier Noir - km 1,4
  2. Balmes de François Blanc - km 3,7
  3. Verrou glaciaire du Glacier Noir - km 4,5
  4. Glacier Noir (partie haute) - km 5,4
  5. Col de la Temple - km 8,4
  6. Refuge de Temple Ecrins - km 12
  7. Col des Avalanches - km 15,2
  8. Glacier du Vallon de la Pilatte - km 15,6
  9. Brèche Lory (point haut) - km 16,4
  10. Dôme de Neige des Ecrins 4015m - km 16,7
  11. Zone sous les séracs du Glacier Blanc - km 17,9
  12. Plateau du Glacier Blanc - km 19,3
  13. Refuge des Ecrins - km 21,6
  14. Pic du Glacier d'Arsine - km 24
  15. Front du Glacier Blanc - km 25,6
  16. Refuge du Glacier Blanc - km 26,3
  17. Ancien Refuge Tuckett - km 27,1
Dome De Neige Des Ecrins Trace Gpx
Données géographiques – 283,5 KB

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